Ker Asia Songs
Plus qu'un instrument, il est le symbole de la nation mongole et reconnu comme un des chefs-d'oeuvre du patrimoine de l'humanité par l'UNESCO.
Son histoire plonge dans les racines culturelles des peuples nomades de la steppe située principalement à l'est de la Mongolie actuelle.
Etymologiquement parlant, le nom qui le désigne signifie littéralement “vièle à tête de cheval” en mongol. L'histoire chinoise fait remonter l'origine des instruments à cordes frottées - dont le morin khuur fait partie - à un ancêtre commun appelé Xi Quin trouvé autour de la vallée du Shira Mören, c'est à dire dans la Mongolie intérieure actuelle et associé au peuple Xi ou Khitan ayant habité cette région sous la dynastie Song (960-1279).
Le fait que les peuples turcophones d'aujourd'hui (Kasakhs et Krighizs notamment) possèdent également des instruments à base de crin de cheval et soient voisins de la Mongolie, milite pour une origine commune de tous ces instruments sous différentes déclinaisons y compris le morin khuur à fortiori.
Deux légendes sont à l'origine de cet instrument s'agissant de la tête de cheval qui a servi d'ornement dans la fabrication des premiers instruments tout du moins. La première parle d'un poney magique ayant appartenu à un jeune berger nommé Kuku Namjil lorsque
l'animal fut tué par une femme jalouse. Dans son deuil, les os du cheval furent utilisés par l'infortuné berger pour en faire un violon et jouer ainsi de la musique en souvenir du cheval regretté. L'autre évoque la cruauté d'un seigneur qui s'en est pris au cheval blanc de Sukhe (ou Suho), un jeune enfant qui lui voue une telle affection que l'esprit du cheval tué apparut dans ses rêves pour lui demander de faire un instrument de musique avec son corps. Cheval et musique sont donc liés d'une manière ou d'une autre et quelle que soit la bonne version de l'histoire, on comprend mieux le pourquoi de sa forme originelle.
Ainsi, le premier morin khuur fut d'abord assemblé avec un manche en os de cheval et des cordes de crin tendues sur une caisse de résonnance recouverte d'une peau de cheval et surmontée par la suite d'un manche en bois sculpté en tête de cheval. Du reste, il est composé dans sa forme traditionnelle d'une caisse de forme trapézoïdale sur laquelle sont tendues deux cordes constituées par des poils de cheval provenant de sa queue et fixées à un manche. La corde dite mâle est faite de 130 poils de l'étalon et l'autre appelée femelle, par 105 poils de la jument. Le cadre est recouvert de peau de chameau, de chèvre ou de
mouton avec une petite ouverture vers l’arrière. Quant à l'archet servant à faire vibrer les cordes, il est constitué de crin de cheval également recouvert de résine de mélèze ou de cèdre tendu lâchement aux deux extrémités de l'arc.
Avec sa main droite, le musicien passe l'archet sur les cordes en faisant varier la tension des crins de manière à obtenir le timbre voulu tout en calant la caisse de résonance sur ses genoux ou entre les jambes. De nos jours, la taille standard du morin khuur est de 1,15 m de long pour une caisse ne dépassant pas une profondeur de 8 à 9 cm et faisant à sa base 25 cm et 20 cm pour le haut.
Certains sont munis de cordes de nylon pour les débutants ou en acier permettant pour ces dernières d'élever le spectograme jusqu'à 7 à 8 harmoniques. Selon les régions, la forme du morin khuur peut varier allant d'une caisse de résonnance plutôt large dans le centre de la Mongolie qu'en Mongolie Intétrieure (située sur le territoire chinois au Nord-Est du Xin kiang) où elle est plus réduite. En outre, ce dernier possède, contrairement à son voisin, un système de serrage des cordes plus élaboré passant par des chevilles de bois d'une forme légèrement conique de même que l'une de ses variantes appelée igil est utilisée à l'Ouest de la Mongolie avec sa caisse de petite taille.
La sonorité qu'il produit est souvent décrite comme chaleureuse et sans contrainte à l'image du cheval mongol dont ce peuple est si fier au point de rendre cet animal indissociable de l'instrument. Si le morin khuur est bien l'instrument de musique national en Mongolie, les festivals ne manquent pas en effet pour le célébrer avec le concours de nombreux pays (Corée, Chine, États-Unis, Allemagne, France, Japon). Dans le cadre d'un concours organisé tous les deux ans par l'Association mondiale du morin khuur notamment, on peut donc voir affluer en Mongolie, depuis 2008, nombre d'amateurs passionnés et de professionnels de cet intrument pour s'affronter dans des épreuves de freestyle.
Populaire s'il en est, le morin khuur représente aussi la paix et le bonheur dans les foyers si bien que nombre de familles mongoles en possèdent pour se garantir les bienfaits de l'instrument. C'est peu dire que la place qu'il occupe culturellement dans le pays et dans le coeur des gens est importante. Ainsi, dans le quotidien, peut-on voir un joueur de morin khuur intervenir dans les villages pour se livrer à des cérémonies de manière à favoriser la venue du printemps et pour ainsi dire “effrayer une gélée” tardive qui pourrait entraver la venue des beaux jours au sortir d'un hiver rigoureux.
Pour l'agriculteur du Gobi, par exemple, son utilisation revêt un caractère économique important. Il est utilisé pour atténuer le stress d'une chamelle qui pourrait rejeter son petit à la naissance en l'aidant à l'adopter de nouveau au son du morin khuur ou par une autre chamelle si cette dernière venait à mourir et plus généralement dans les civilisations nomades à travers le monde pour les mêmes raisons concernant les animaux d'élevage.
Étroitement lié à la vie quotidienne de la population, le morin khuur joue donc un rôle qui dépasse largement son domaine de prédilection à savoir jouer de la musique comme tout instrument finalement. Sous bien des aspects (culturels, économiques et sociaux), on comprend maintenant pourquoi, il est si cher à la nation mongole qui en a fait un symbole mais surtout, ce qui est beaucoup plus rare, un objet paré de toutes les vertus et croyances...
My Father my hero, composé par Tetsu Norioka.
Piano & Morin Khuur
Zang Quansheng
fondateur et musicien du groupe Haya Band
Galloping Horses par Zhang Quansheng
Morin Khuur et orchestre.
Taliin Mongol Ail LIVE
Arrière plan : Désert de Gobi. Mongolie intérieure