Ker Asia Songs
L'origine de bon nombre d'instruments traditionnels d'Asie remonte souvent à la nuit des temps et le shamisen ne fait pas exception. Mais c'est vers 1562 qu'il fit son apparition au Japon dans l’île d'Okinawa (Okinawa hontô 沖縄本島) pour la première fois grâce au commerce maritime et vraisemblablement introduit dans la ville portuaire de Sakai, près d'Osaka. Bien qu'il existait en Égypte un instrument à trois cordes recouvert de peau appelé ''Nefer'' ''ou Nofer'', celui-ci est également connu en Perse sous le nom de Setatu ce qui signifie littéralement trois cordes et donc identique quant à la signification du mot ''Sanshin'' en chinois pour désigner cet instrument qui semble être l’héritier directe d'une très ancienne lignée.
Il fut d'ailleurs développé tout d'abord sous les Yuan (1279-1368) et environ un siècle plus tard présenté au royaume de Ryûkyû (Okinawa) sous les Ming (1368-1662) avec de sensibles améliorations par un artiste de génie dénommé Akaindo qui l'utilisera pour ses compositions tant et si bien qu'il contribua grandement à la renommée de l'instrument en donnant naissance à un style de musique dite de sanshin de Ryûkyû.
Sous l'ère Edo (1603-1868), le shamisen fut utilisé dans le théâtre Nôh et la musique traditionnelle comme le Bunraku (文楽) et le Kabuki (歌舞伎) pour devenir une part indispensable de ce dernier de même qu'il servira pour les chants populaires puis deviendra entre les mains des geïshas, leur instrument de prédilection.
Il est d'ailleurs très fréquent dans l'ancien Japon de rencontrer des groupes de musiciennes aveugles et itinérantes, appelées goze (瞽女), jouer de cet instrument associé à d'autres comme le Koto (箏 / 琴) qui est aussi un instrument à cordes pincées.
Mais avant de trouver sa forme définitive, le shamisen a dû troquer sa peau de serpent d'origine, trop difficile à se procurer, contre celle du chat ou du chien. Les plus anciens modèles qui existent aujourd'hui ont été fabriqués à Kyoto sur ordre de Toyotomi Hideyoshi. Dans la réalité, il existe différents types de shamisens classés selon leur taille (hosozao, chuzao et futozao), leur forme et le genre de musique dans lequel ils sont utilisés (nagauta, jiuta, minyō, kouta, hauta, shinnai, tokiwazu, kiyomoto, gidayu et tsugaru) ainsi que de nombreux types de plectres et komas pour créer un large éventail de sons et divers styles de musique.
Littéralement trois cordes pour la signification, le shamisen est également appelé ''jamisen'' lorsqu'il est utilisé comme un suffixe (tsugaru jamisen par exemple) et durant la période Edo, c'est le ''samisen'' qui est retenu dans l'Ouest du Japon pour le designer. Du reste et quelle que soit sa dénomination et sa taille allant de 110 à 140 cm, l'instrument se joue avec un ''bachi'' ou ''plectre'' de taille adaptée à chaque instrument sollicité.
Faisant partie de la famille des instruments à cordes pincées, sa construction adopte le même principe qu'une guitare ou un banjo à savoir un manche assez mince situé à l’extrémité d'une caisse de résonance appelée ''do'' et sur laquelle on tendra des cordes. Cette table d'harmonie prend la forme d'un tambour carré dont le cadre en koki (un genre de bois de rose), mûrier, cognassier ou bois de santal est recouvert d'une peau tendue des deux côtés et dont la qualité est adaptée à un genre musical et de l'habileté du joueur. Pour les étudiants, on utilisera volontiers de la peau de chien et parfois du plastique moins coûteux et plus durable aussi tandis que les joueurs professionnels exigeront des peaux de chat plus délicates pour le son qu'on en retire mais plus onéreuses par conséquent.
Le col du shamisen appelé sao (棹) mesurant généralement 62,5 cm de long est divisé en trois ou quatre morceaux permettant le démontage de l'instrument. Il traverse le corps de l'instrument en forme de tambour pour constituer une saillie à l’extrémité tout en faisant office de point d'ancrage pour les cordes. Les piquets qui servent pour les enrouler sont longs et minces et de forme hexagonale. Traditionnellement fabriqués à partir d'ivoire, ils ont été progressivement remplacés par d'autres matériaux moins onéreux comme le bois voire du plastique.
Du reste, c'est à partir de la soie torsadée que les cordes sont confectionnées bien que là aussi, le nylon a fait son apparition récemment. Elles sont donc tendues d'une l'extrémité à l'autre de la tige entre les piquets pour se terminer en saillie recouverte d'un tissu appelé cordier. Le pont ou ''koma'' (駒), passant en dessous et posé à même la peau permet ainsi de les faire vibrer en les soulevant légèrement. Une des cordes est enroulée sur le piquet le plus bas de sorte que le timbre obtenu se rapproche d'un bourdonnement (sawari) rappelant ainsi une sitar appelée ''jivari''.
Quant au ''koma'', il est fabriqué avec des matériaux variés allant du bambou à l'ivoire voire de l'os de bœuf, de la corne de buffle, du bois de palissandre et même du plastique. Il faut d'ailleurs préciser que l'emploi de différents matériaux répond à des besoins spécifiques. Ainsi, le ''nagauta koma'' en ivoire ou en os sert principalement pour les spectacles en raison du volume sonore qu'il produit comparé au ''jiuta koma'' en corne de buffle d'eau jaune ou noir permettant d'obtenir un niveau élevé de vibrations et enfin le ''tsugaru/minyō koma'' caractérisé par sa structure mixte à base de bambou, bois, d'ivoire ou en os voire en écaille pour la partie traversée par les cordes.
Pour les faire vibrer, on utilise le ''bâshô ou bachi'' ou plus communément ''plectre'' ayant la taille et la forme désirées suivant le style de musique joué. Selon l'instrument utilisé, le ''bachi'' peut être en bois, plastique ou en ivoire et même en écaille. A noter que le ''bachi'' peut être de poids différent selon sa composition. Le ''jiuta bachi'' par exemple est identifiable par sa longueur et largeur de même que son échancrure est plus profonde. La poignée peut être en écaille ou corne de buffle tandis qu'un ''bachi'' plus lourd et plus épais sera utilisé pour le gidayu shamisen.
Enfin, Le ''bachi'' utilisé pour tsugaru shamisen est le plus petit et fabriqué en écaille de tortue.
On joue ainsi du shamisen agenouillé sur un ''zabuton'' (coussin japonais) en pinçant les cordes à l'aide d'un ''bachi'' avec la face supérieure du ''do'' sur les genoux du musicien.
Pour faciliter le glissement de sa main gauche du haut en bas de l'instrument, ce dernier porte souvent une petite bande de tissu. Les trois accords de bases sont le ''honchochi'', le ''ni agari'' et le ''san sagari'' censés apporter un sentiment différent pour refléter une atmosphère particulière, exprimer les différences entre les genres et varier ainsi les morceaux.